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Conférence : "La Clef des Songes"

Du 12 Mars 2024 14:00 jusqu'au 12 Mars 2024 17:00
Posté par Super Utilisateur
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Chers adhérents, Bonjour.

Je me permets de vous rappeler que le : mardi 12 mars à 14h au Florida nous aborderons :

                                                "La clef des songes". 

L'homme s'est toujours intéressé à ses rêves. Déjà chez les sumériens (3000 ans avant J.C.), plus tard en Egypte (en 2500 av. J.C.) le rêve était l'objet de recherches. Hippocrate, Aristote, Pythagore et Grégoire le Grand ont consacré des traités à cette énigme.

Pour moi, les poètes sont de grands rêveurs et leur Poésie ouvre la porte des songes, à nous d'y pénétrer.

Ci-dessous vous trouverez les poèmes cités et aussi en fichier joint imprimable au bas de cette page. J'attends le plaisir de vous rencontrer. Cordialement. 

Jacqueline Ghio-Gervais 

 

LA CLEF DES SONGES   le 12 mars 2024 Florida  

TEXTE  N° 1 LE RËVE D’UN CURIEUX         C. BAUDELAIRE sonnet

Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire : « Oh ! l’homme singulier ! »
— J’allais mourir. C’était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d’horreur, un mal particulier ;

Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse ;
Tout mon cœur s’arrachait au monde familier.

J’étais comme l’enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle…
Enfin la vérité froide se révéla :

J’étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M’enveloppait. — Eh quoi ! n’est-ce donc que cela ?
La toile était levée et j’attendais encore.

« un sonnet est composé de 2 quatrains et de 2 tercets et est en alexandrins (vers de 12 pieds)

TEXTE N°2   MON REVE FAMILIER       P. VERLAINE sonnet

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l’ignore.
Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

TEXTE N° 3 LA DORMEUSE P. VALERY sonnet extrait de Charmes

Quels secrets dans mon coeur brûle ma jeune amie,
Âme par le doux masque aspirant une fleur?
De quels vains aliments sa naïve chaleur
Fait ce rayonnement d’une femme endormie?

Souffles, songes, silence, invincible accalmie,
Tu triomphes, ô paix plus puissante qu’un pleur,
Quand de ce plein sommeil l’onde grave et l’ampleur
Conspirent sur le sein d’une telle ennemie.

Dormeuse, amas doré d’ombres et d’abandons,
Ton repos redoutable est chargé de tels dons,
Ô biche avec langueur longue auprès d’une grappe,

Que malgré l’âme absente, occupée aux enfers,
Ta forme au ventre pur qu’un bras fluide drape,
Veille; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts.

TEXTE N° 4   LA FILEUSE   de P. VALERY   Album de vers anciens

Assise, la fileuse au bleu de la croisée

Où le jardin mélodieux se dodeline ;

Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

 

 Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline

Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,

Elle songe, et sa tête petite s’incline.

 

 Un arbuste et l’air pur font une source vive

Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose

De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.

 

 Une tige, où le vent vagabond se repose,

Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,

Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.

 

Mais la dormeuse file une laine isolée ;

Mystérieusement l’ombre frêle se tresse

Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

 

 Le songe se dévide avec une paresse

Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,

La chevelure ondule au gré de la caresse...

 

 Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,

Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :

Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

 

 Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,

Parfume ton front vague au vent de son haleine

Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte

 

 Au bleu de la croisée où tu filais la laine.

Ce poème est constitué de tercets d’alexandrins (12 pieds) aux rimes féminines !

TEXTE N° 5 D’éveiller en sursaut   de Jean COCTEAU

3 tercets, rimes croisées, alexandrins

D’éveiller en sursaut ma main jalouse hésite

Car si je crains sommeil ton visage inconnu

Abolir une rive à mes yeux interdite

 

Offense dans un corps son double revenu.

Et de quel droit debout près des formes couchées

Les irai-je remettre en un monde trompeur ?

 

Et de quel droit vouloir ces formes arrachées

A ce règne secret dont notre amour a peur ?

Vers la petite mort si le sommeil t’emporte

 

Voudrais-je comme Orphée une route obtenir

Et ramener chez elle une vivante morte

Sans craindre le dégoût de désensevelir…

 

TEXTE N° 6   RIEN NE M’EFFRAYE PLUS…J. COCTAU

Rien ne m’effraie plus que la fausse accalmie

D’un visage qui dort :

Ton rêve est une Egypte, et toi c’est la momie

Avec son masque d’or.

 

Où ton regard va-t-il sous cette riche empreinte

D’une reine qui meurt,

Lorsque la nuit d’amour t’a défaite et repeinte

Comme un noir embaumeur ?

 

Abandonne, ô ma reine, ô mon canard sauvage,

Les siècles et les mers ;

Reviens flotter dessus, regagne ton visage

Qui s’enfonce à l’envers.

N.B.   Ici : 3 strophes hétéromètriques ( qui contient des vers ayant un nombre différent de syllabes) : des alexandrins (12)   et des hexasyllabes (10)

TEXTE N° 7 LE DORMEUR DU VAL A. RIMBAUD sonnet

 

C'est un trou de verdure où chante une rivière                             

Accrochant follement aux herbes des haillons                                    

D'argent : où le soleil, de la montagne fière,                                                

Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,                                                      

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,                                          

Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,                                              

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme                            

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :                                      

Nature, berce‐le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;                                                  

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine                                        

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit

 

TEXTE N° 8   Francis Jammes

           PRIERE POUR ALLER AU PARADIS AVEC LES ÄNES 

Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : " Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles."
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel

Texte n° 9 J AI TANT REVE DE TOI   Robert DESNOS 1900-1945

Recueil : "À la mystérieuse"

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.

Texte n° 10   LA GROTTE DES LEPREUX   Sabine SICAUD

Ne me parlez ni de la tour,
Ni des belles ruines rousses,
Ni de cette vivante housse
De feuillages en demi-jour.

La gorge est trop fraîche et trop verte ;
La rivière, comme un serpent,
S’y tord, à peine découverte
Sous trop d’herbe où reste en suspens
Le mystère des forêts vierges.

Ne me parlez ni de l’auberge,
Ni des écrevisses qu’on prend
Dans la mousse et les capillaires.

Je n’ai vu, de ce coin de terre,
Ni la paix du soir transparent,
Ni celle des crêtes désertes.
Mais, barrant le ciel, deux rochers
Tout à coup si nus, écorchés,
Avec plusieurs bouches ouvertes !

Vers ces bouches noires, clamant
On ne sait quelle horreur ancienne,
Savez-vous si, furtivement,
De pauvres âmes ne reviennent ?

Où sont-ils, où sont-ils, mon Dieu,
Ces parias vêtus de rouge
Qui, là-haut, guettaient les soirs bleus
Par les trous béants de ce bouge ?

Grotte des Lépreux, seuil maudit
Au bord de la falaise ocreuse…
Il faudrait qu’on ne m’eût pas dit
Quel frisson traversait jadis

TEXTE N° 11   LE BERGER DE J.GG

Depuis l’aube…il attend.                                                                                    

Un peu de laine traîne                                                                                          

Et la lourde chaleur accablant son troupeau                                                    

Rend plus lourde sa peine.

Au cœur, il a gardé les paroles non dites,                                                          

les larmes retenues,                                                                                            

les heures désoeuvrées,                                                                                        

il a le geste lent de ce lui qui habite                                                            

l’attente.

Et quand le soir déploie en voûte les étoiles,                                                      

lui, si calme le jour, soudainement se hâte                                                          

à tirer du roseau un chant si doux, si beau                                                          

que la nuit se lamente, inutiles sanglots.

Jaillit de la pénombre une souffrance vive,                                                

l’amante au regard vide, du charme, est délivrée.

Ils voguent dans l’obscur aux multiples lueurs,                                                    

se mirent aux reflets opalins de la lune,                                                  

s’enivrent d’allégresse                                                                                          

et leurs âmes, en extase aux limites du temps,                                                    

se mêlent aux comètes en sillage d’argent.

La nuit est évasion… Il vit !                                                                                        

Et la terre n’est plus que lointaine blessure,                                                  

abîme de l’esprit effrayé par la mort qu’il a presque oubliée !

Mais l’aube va renaître en vivantes couleurs,                                                     

le pipeau va se taire et l’Amie disparaître,                                                          

en lui l’obscurité descend…                                                                                          

Il attend…..

 

LA SIESTE ASSASSINEE   P. DELERM

On est au milieu indécis d’une sieste éveillée, avec un magazine à arcourir, ou mieux : une vieille bande dessinée qu’on n’a pas lue depuis longtemps. Le temps s’étire vaguement. Il est deux ou trois heures de l’après-midi, un jour d’aout accablant de canicule. On n’a pas même le léger remord de gâcher un infime quelque chose : de toute façon, il fait beaucoup trop chaud pour se promener. Le couvre-lit tricoté au crochet repoussé sous les pieds, on se sent léger, suspendu dans une lévitation protégée. Séparé du monde, on est mieux que bien : on n’est presque rien du tout. Le seul rythme donné au jour vient du passage de quelques voitures dans la rue proche. Au virage, le ronron du moteur fléchit, comme si le conducteur voulait stopper son véhicule, puis une nouvelle accélération tranquille sur l’asphalte fondu dissipe cette sensation. Les autres vont ailleurs, et c’est très bien ainsi. Pourtant, au creux même de la bulle, cette hésitation légère fait planer comme une menace imaginaire, inventée pour mieux déguster le gris et le rouge des aventures de Bicot, la paix ancienne des terrains vagues où les petits Américains jouent au base-ball.

Tant de voitures sont passées au virage, avec le même fléchissement, que tout danger semble à présent impossible. Mais c’est précisément l’instant où une énième automobile décélère avec june minuscule exagération. Le temps de latence avant la reprise du moteur se prolonge. Pis : à la place du ronflement rassurant monte bientôt l’élastique docilité de pneumatiques décomposant leur élan sur le macadam amolli. Déjà on a compris. Tout est perdu. Faire traîner un peu le café, évoquer l’excès de chaleur, choisir une vieille bande dessinée : toutes ces précautions méticuleuses pour s’inventer une vraie sieste de rien mérité, et voilà qu’en un silence jésuite tout est poignardé.

Car on connaît , tous les rites désormais. A l’amorti du caoutchouc succède le claquement des portières, poussées avec cette douceur insidieuse qui accompagne les visites par surprise. Des voix discrètes vous parviennent, trop faibles pour être identifiées. Là aussi, l’hypocrisie semble paradoxale : pourquoi les invités que l’on attend trop longtemps font-ils des débouchés triomphants, quand les voleurs de sieste ont des pudeurs de cloitre au seuil de votre grille ? Leur modeste retenue, leurs effleurements de sandales ne les empêchent pas de faire basculer le jour à gros sabots.

Bientôt, à la mauvaise humeur d’interrompre sa sieste, il faut ajouter le remords d’éprouver ainsi un sentiment bas, dont l’âcreté biliaire tient pour moitié à la digestion pâteuse, et pour autre moitié à l’évidence d’un tempérament égoïste et borné. Car quoi, ces parents, ces amis vont vous faire plaisir, en vous assaillant par surprise !?

Sûrement. Peut-être. Plus tard. Mais à présent il faut en convenir : ce silence, fielleux du moteur, ce baiser pneumatique des roues alenties, ces portières battant de préméditation affectueuse ont la doucereuse brutalité du crime à l’arme blanche, du traquenard parfait.