Conférence : M. Desbordes

De 03 Octobre 2023 14:15 jusqu'au 03 Octobre 2023 16:30
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Chers amis de la Poésie

Ce Mardi 3 octobre à 14h15, au Florida, nous rencontrerons une grande dame de la poésie, sans doute l'Une des plus grandes.

                                                                               "Marceline Desbordes-Valmore"

 Reconnue de son temps, estimée, appréciée, elle est, néanmoins, oubliée de nos jours. 

Au cours de cette rencontre, nous souhaiterons une longue et heureuse retraite à Madame Brigitte Vaques, et lui remettrons le montant de notre cagnotte comme prévu. 

Dans l'attente du grand plaisir de vous retrouver, je vous souhaite une excellente journée. 

Jacqueline GHIO-GERVAIS

Vous trouverez les textes qui seront lus ci-dessous et dans un fichier PDF imprimable en bas de cette page, mais comme toujours j'apporterai des photocopies. 

 

 

                 MARCELINE DESBORDES-VALMORE

                               1786-1859

Texte n°1     SOUVENIR extrait du recueil « POESIES »

Quand il pâlit un soir, et que sa voix tremblante

S’éteignit tout à coup dans un mot commencé ;

Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante,

Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé ;

Quand ses traits plus touchants, éclairés d’une flamme

Qui ne s’éteint jamais,

S’imprimèrent vivants dans le fond de mon âme ;

Il n’aimait pas, j’aimais !

Texte n°2   ELEGIE         Extrait du recueil « AMOUR »,      

Ma sœur, il est parti ! ma sœur, il m’abandonne !

Je sais qu’il m’abandonne, et j’attends et je meurs,

Je meurs. Embrasse-moi, pleure pour moi… pardonne…

Je n’ai pas une larme, et j’ai besoin de pleurs.

Tu gémis ? Que je t’aime ! Oh ! jamais le sourire

Ne te rendit plus belle aux plus beaux de nos jours.

Tourne vers moi les yeux, si tu plains mon délire ;

Si tes yeux ont des pleurs, regarde-moi toujours.

Mais retiens tes sanglots. Il m’appelle, il me touche,

Son souffle en me cherchant vient d’effleurer ma bouche.

Laisse, tandis qu’il brûle et passe autour de nous,

Laisse-moi reposer mon front sur tes genoux.

Ecoute ! ici, ce soir, à moi-même cachée,

Je ne sais quelle force attirait mon ennui :

Ce n’était plus son ombre à mes pas attachée,

Oh ! ma sœur, c’était lui !

C’était lui, mais changé, mais triste. Sa voix tendre

Avait pris des accents inconnus aux mortels,

Plus ravissants, plus purs, comme on croit les entendre

Quand on rêve des cieux aux pieds des saints autels.

Il parlait, et ma vie était près de s’éteindre.

L’étonnement, l’effroi, ce doux effroi du cœur,

M’enchaînait devant lui. Je l’écoutais se plaindre,

Et, mourante pour lui, je plaignais mon vainqueur…

Il parlait, il rendait la nature attentive ;

Tout se taisait. Des vents l’haleine était captive ;

Du rossignol ému le chant semblait mourir ;

On eût dit que l’eau même oubliait de courir.

Hélas ! qu’avait-il fait alors pour me déplaire ?

Il gémissait, me cherchait comme toi.

Non, je n’avais plus de colère,

Il n’était plus coupable, il était devant moi.

Sais-tu ce qu’il m’a dit ? des reproches…des larmes…

Il sait pleurer, ma sœur !

O Dieu ! que sur son front la tristesse a des charmes !

Que j’aimais de ses yeux la brûlante douceur !

Sa plainte m’accusait : le crime… je l’ignore :

J’ai fait pour l’expliquer des efforts superflus.

Ces mots seuls m’ont frappée, il me les crie encore :

«  Je ne te verrai plus ! »

Et je l’ai laissé fuir, et ma langue glacée

A murmuré son nom qu’il n’a pas entendu ;

Et sans saisir sa main ma main s’est avancée,

Et mon dernier adieu dans les airs s’est perdu.

Texte n°3 JE NE SAIS PLUS extrait de « POESIES » 1830  

Je ne sais plus d’où naissait ma colère ;

Il a parlé…ses torts sont disparus ;

Ses yeux priaient, sa bouche voulait plaire :

Où fuyait-tu, ma timide colère ?

Je ne sais plus.

Je ne veux plus regarder ce que j’aime ;

Dès qu’il sourit tous mes pleurs sont perdus ;

En vain, par force ou par douceur suprême,

L’amour et lui veulent encore que j’aime ;

Je ne veux plus.

Je ne sais plus le fuir en son absence,

Tous mes serments alors sont superflus.

Sans me trahir, j’ai bravé sa présence ;

Mais sans mourir supporter son absence,

Je ne sais plus !

Texte n° 4 Le rêve de mon enfant. Extrait de « Maternité »  

Dès lors un mal secret répandit sa pâleur

Sur ce front incliné, qui brûlait sous mes larmes.

Je voyais se détruire avant moi tant de charmes,

Comme un frêle bouton s’effeuille avant la fleur.

Je le voyais ! et moi, rebelle… suppliante,

Je disputais un ange à l’immortel séjour.

Après soixante jours de deuil et d’épouvante,

Je criais vers le ciel : « Encore, encore un jour ! »

Vainement. J’épuisai mon âme tout entière ;

A ce berceau plaintif j’enchaînai mes douleurs ;

Repoussant le sommeil et m’abreuvant de pleurs,

Je criais à la mort : «  Frappe-moi la première ! »

Vainement. Et la mort froide dans sons courroux,

Irritée à l’espoir qu’elle courrait éteindre

En moissonnant l’enfant, ne daigna pas atteindre

La mère expirante à genoux.

Texte n° 5 Qu'en avez-vous fait ? extrait d’Elégies nouvelles 1825                          

Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur ;
Bonheur pour bonheur !

Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur :

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant

Que rien ne défend,

Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde ;
Vous appellerez,
Et vous songerez !...

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.

Et l'on vous dira :
" Personne !... elle est morte. "
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?

Texte n° 6   SANS L’ OUBLIER extrait d’AMOUR  

Sans l'oublier, on peut fuir ce qu'on aime.
On peut bannir son nom de ses discours,
Et, de l'absence implorant le secours,
Se dérober à ce maître suprême,
Sans l'oublier !

Sans l'oublier, j'ai vu l'eau, dans sa course,
Porter au loin la vie à d'autres fleurs ;
Fuyant alors le gazon sans couleurs,
J'imitai l'eau fuyant loin de la source,
Sans l'oublier !

Sans oublier une voix triste et tendre,
Oh ! que de jours j'ai vus naître et finir !
Je la redoute encor dans l'avenir :
C'est une voix que l'on cesse d'entendre,
Sans l'oublier !

Texte n° 7 Eaux trois aimés extrait de « Bouquets et Prières »  

De vous gronder je n'ai plus le courage,
Enfants ! ma voix s'enferme trop souvent.
Vous grandissez, impatients d'orage ;
Votre aile s'ouvre, émue au moindre vent.
Affermissez votre raison qui chante ;
Veillez sur vous comme a fait mon amour ;
On peut gronder sans être bien méchante :
Embrassez-moi, grondez à votre tour.

Vous n'êtes plus la sauvage couvée,
Assaillant l'air d'un tumulte innocent ;
Tribu sans art, au désert préservée,
Bornant vos voeux à mon zèle incessant :
L'esprit vous gagne, ô ma rêveuse école,
Quand il fermente, il étourdit l'amour.
Vous adorez le droit de la parole :
Anges, parlez, grondez à votre tour.

Je vous fis trois pour former une digue
Contre les flots qui vont vous assaillir :
L'un vigilant, l'un rêveur, l'un prodigue,
Croissez unis pour ne jamais faillir,
Mes trois échos ! l'un à l'autre, à l'oreille,
Redites-vous les cris de mon amour ;
Si l'un s'endort, que l'autre le réveille ;
Embrassez-le, grondez à votre tour !

Texte n° 8 extrait de lettre  

Venez comme un ami, n’oubliez pas que c’est vous-même qui avez tracé ce mot et qu’il double le plaisir de votre lettre. Le même titre, si vous y tenez un peu, terminera la mienne, et je me rappelle qu’il y a longtemps que j’en éprouve pour vous les sentiments.

Texte n°9 Les roses de Saadi                               

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

Texte n° 10 « DANS LA RUE » suite aux événements de 1834 à Lyon

LA FEMME.

Nous n’avons plus d’argent pour enterrer nos morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles;
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent un linceul, une croix, un remords.

Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe.
Où va-t-il ? Au trésor, toucher le prix du sang.
Il en a bien versé ! mais sa main n’est pas lasse :
Elle a, sans le combattre, égorgé le passant.

Dieu l’a vu. Dieu cueillait comme des fleurs froissées
Les femmes, les enfants, qui s’envolaient aux cieux.
Les hommes... les voilà dans le sang jusqu’aux yeux.
L’air n’a pu balayer tant d’âmes courroucées.

Elles ne veulent pas quitter leurs membres morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles ;
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent un linceul, une croix, un remords.

Les vivants n’osent plus se hasarder à vivre.
Sentinelle soldée, au milieu du chemin,
La mort est un soldat qui vise et qui délivre
Le témoin révolté qui parlerait demain...

LES FEMMES.

Prenons nos rubans noirs, pleurons toutes nos larmes ;
On nous a défendu d’emporter nos meurtris :
Ils n’ont fait qu’un monceau de leurs pâles débris :
Dieu ! bénissez-les tous, ils étaient tous sans armes !

Texte n° 11 INES extrait du recueil « POESIE » 1850    

Je ne dis rien de toi, toi, la plus enfermée,

Toi, la plus douloureuse, et non la moins aimée !

Toi ? rentrée en mon sein ! je ne dis rien de toi

Qui souffres, qui te plains et qui meurs avec moi !

Le sais-tu maintenant, ô jalouse adorée,

Ce que je te vouais de tendresse ignorée ?

Connais-tu maintenant, me l’ayant emporté,

Mon cœur qui bat si triste et pleure à ton côté ?

Texte n° 12   ONDINE A L’ ECOLE «  Poésies inédites 1860 »

Vous entriez, Ondine, à cette porte étroite

Quand vous étiez petite, et vous vous teniez droite ;

Et quelque long carton sous votre bras passé

Vous donnait on ne sait quel air grave et sensé,

Qui vous rendait charmante !


Aussi, votre maîtresse

Vous regardait venir, et fière avec tendresse,

Opposant votre calme aux rires triomphants,

Vous montrait pour exemple à son peuple d'enfants ;

Et du nid studieux l'harmonie argentine

Poussait à votre vue : "Ondine ! Ondine ! Ondine !"

Car vous teniez déjà votre palme à la main,

Et l'ange du savoir hantait votre chemin.

Moi, penchée au balcon qui surmontait la rue,
Comme une sentinelle à son heure accourue,
Je poursuivais des yeux mon mobile trésor,
Et disparue enfin je vous voyais encor.
Vous entraîniez mon âme avec vous, fille aimée,
Et je vous embrassais par la porte fermée.

Quel temps ! De tous ces jours d'école et de soleil
Qui hâtaient la pensée à votre front vermeil,
De ces flots de peinture et de grâce inspirée,
L'âme sort-elle heureuse, ô ma douce lettrée ?

Dites si quelque femme avec votre candeur
En passant par la gloire est allée au bonheur ?...

Oh ! que vous me manquiez, jeune âme de mon âme !
Quel effroi de sentir s'éloigner une flamme
Que j'avais mise au monde, et qui venait de moi,
Et qui s'en allait seule !
Ondine ! quel effroi !


Texte n°13   « La couronne effeuillée »

extrait de      Poésies inédites 1860  

J'irai, j'irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon père où revit toute fleur ;
J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée :
Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.

J'irai, j'irai lui dire au moins avec mes larmes :
" Regardez, j'ai souffert... " Il me regardera,
Et sous mes jours changés, sous mes pâleurs sans charmes,
Parce qu'il est mon père, il me reconnaîtra.

Il dira: " C'est donc vous, chère âme désolée ;
La terre manque-t-elle à vos pas égarés ?
Chère âme, je suis Dieu : ne soyez plus troublée ;
Voici votre maison, voici mon coeur, entrez ! "

Ô clémence! Ô douceur! Ô saint refuge ! Ô Père !
Votre enfant qui pleurait, vous l'avez entendu !
Je vous obtiens déjà, puisque je vous espère
Et que vous possédez tout ce que j'ai perdu.

Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle ;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle,
Non d'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.

Texte n° 14    

« Le Nid solitaire » extrait de Poésies inédites 1860  

 

Va, mon âme, au-dessus de la foule qui passe,
Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace.
Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché
Le rêve... mon beau rêve à la terre caché.

Moi, je veux du silence, il y va de ma vie ;
Et je m'enferme où rien, plus rien ne m'a suivie ;
Et de son nid étroit d'où nul sanglot ne sort,
J'entends courir le siècle à côté de mon sort.

Le siècle qui s'enfuit grondant devant nos portes,
Entraînant dans son cours, comme des algues mortes,
Les noms ensanglantés, les voeux, les vains serments,
Les bouquets purs, noués de noms doux et charmants.

Va, mon âne, au-dessus de la foule qui passe,
Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace.
Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché
Le rêve... mon beau rêve à la terre caché !

Texte n°15   Les séparés. (mis en musique par J. Clerc)

N'écris pas - Je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !

N'écris pas - N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !

N'écris pas - Je te crains; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !

N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur;
Que je les voix brûler à travers ton sourire;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
N'écris pas !

BONNE LECTURE A TOUS .

Jacqueline GHIO-GERVAIS



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