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Conférence : Guillaume Apollinaire

De 12 Septembre 2023 14:15 jusqu'au 12 Septembre 2023 17:00
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Chers amis de la poésie, Bonjour.

Voici les textes qui seront lus lors de notre rencontre avec Guillaume Apollinaire le Mardi 12 septembre à 14h15 au Florida. 

Bonne lecture.

Jacqueline GG

NB : Vous trouverez aussi en bas de cette page, un lien vers un fichier PDF permettant d'imprimer les textes.

 

Guillaume APOLLINAIRE 1880-1918 extrait

LA CHANSON DU MAL AIME    

(15 quintils (strophes de 5 vers)octosyllabiques

Regret de l’amour passé qu’il sublime puisqu’il ne fut jamais réciproque !

 

Et je chantais cette romance
                            En 1903 sans savoir
                            Que mon amour à la semblance
                            Du beau Phénix s'il meurt un soir
                            Le matin voit sa renaissance.

Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte

Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la Mer Rouge
Lui les Hébreux moi Pharaon

Ou tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d'Égypte
Sa soeur-épouse son armée
Si tu n'es pas l'amour unique

Au tournant d'une rue brûlant
De tous les feux de ses façades
Plaies du brouillard sanguinolent
Où se lamentaient les façades
Une femme lui ressemblant

C'était son regard d'inhumaine
La cicatrice à son cou nu
Sortit saoule d'une taverne
Au moment où je reconnus
La fausseté de l'amour même

Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revînt

L'époux royal de Sacontale
Las de vaincre se réjouit
Quand il la retrouva plus pâle
D'attente et d'amour yeux pâlis
Caressant sa gazelle mâle

J'ai pensé à ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infidèles
Me rendirent si malheureux

Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus.

Les colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violatres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément                                         Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

LE PONT MIRABEAU extrait d’Alcool (fuite du temps)

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
            Et nos amours
       Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
 
     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure
 
Les mains dans les mains restons face à face
            Tandis que sous
       Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
 
     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure
 
L'amour s'en va comme cette eau courante
            L'amour s'en va
       Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
 
     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure
 
Passent les jours et passent les semaines
            Ni temps passé
       Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
 
     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure

LA SOURIS

Belles journées, souris du temps,
Vous rongez peu à peu ma vie.
Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans,
Et mal vécus, à mon envie.

LE CHAT

Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.

LA TZIGANE

  La tzigane savait d’avance

Nos deux vies barrées par les nuits

Nous lui dîmes adieu et puis

De ce puits sortit l’Espérance

 L’amour lourd comme un ours privé

Dansa debout quand nous voulûmes

Et l’oiseau bleu perdit ses plumes

Et les mendiants leurs Ave

 On sait très bien que l’on se damne

Mais l’espoir d’aimer en chemin

Nous fait penser main dans la main

A ce qu’a prédit la tzigane

Si je mourais là-bas

Si je mourais là-bas sur le front de l’armée

Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée

Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt

Un obus éclatant sur le front de l’armée

Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace

Couvrirait de mon sang le monde tout entier

La mer les monts les vals et l’étoile qui passe

Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace

Comme font les fruits d’or autour de Baratier

Souvenir oublié vivant dans toutes choses

Je rougirais le bout de tes jolis seins roses

Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants

Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses

Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde

Donnerait au soleil plus de vive clarté

Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde

Un amour inouï descendrait sur le monde

L’amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie

— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie

De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —

Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur

Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

 Ô mon unique amour et ma grande folie

Je rêve de revoir mon petit Lou n° XLVII

Je rêve de revoir mon petit Lou pour toujours

O nuances des frondaisons pendant les matins lourds

Ceux où joue le jour comme aux cassures d’un velours

O temps souffre qu’en moi-même je retourne en arrière

Dans les commencements de cette longue guerre

Voici la mer et les palmiers

Et cette grande place où tu la vis naguère

Sous son grand canotier

O temps reviendra-t-il le temps où nos deux âmes

Comme deux avions ennemis se rencontreront

Pour l’idéal combat où mon Lou tu réclames

La verge d’Aaron

Puisque tu es cœur éternel La FEMME

Et que je te connais

Onde qui fuit porte sur rien insaisissable flamme

Ou gamin pied de nez

Ou bien ô mon cher cœur tu es cette musique

Qui monte nuit et jour du creux des bois profonds

Et tes bras blancs levés en geste prophétique

Annoncent ce que font

Et tout ce que feront les longs troupeaux des hommes

Venus sous ton regard chargé de volupté

Te crier leur Désir dire ce que nous sommes

Et ce qu’avons été

Puis s’en aller mourir par le matin livide

Afin que tes beaux yeux aient le droit de choisir

L’esclave le plus beau pour orner ton lit vide

Afin de t’assouvir.

O Lou je te revois sur la grand place à Nice

Dans le maton marbré

Un obus vient mourir sur le canon factice

Que les Boches ont repéré.

Poème dédié à Madeleine

L’hiver revient mon âme est triste

L’hiver revient mon âme est triste
Mon coeur ne sait rien exprimer
Peut-être bien que rien n’existe
Hiver de tout hiver d’aimer
Où la peine seule résiste

Et pourquoi donc mon coeur bat-il
Par la tristesse qu’il endure
Toi qui m’attends ô coeur gentil
Ne sais-tu pas que je m’azure
Pour te rejoindre plus subtil

Je suis le bleu soldat d’un rêve
Pense à moi mais perds la raison
Vois-tu le songe qui s’achève
Se confond avec l’horizon
Chaque fois que ton oeil se lève

O toi que j’aime éperdument
A qui je pense dès l’aurore
Et tout le jour je vais t’aimant
Et quand vient le soir je t’adore

 

Le neuvième poème secret

J’adore ta toison qui est le parfait triangle de la divinité

Je suis le bûcheron de l’unique forêt vierge

O mon Eldorado

Je suis le seul poisson de ton océan voluptueux

Toi ma belle sirène

Je suis l’alpiniste de tes montagnes neigeuses

O mon alpe très blanche

Je suis l’archer divin de ta bouche si belle

On mon très cher carquois

Et je suis le haleur de tes cheveux nocturnes

O mon beau navire sur le canal de mes baisers

Et les lys de tes bras m’appellent par des sign es

On mon jardin d’été

Les fruits de ta poitrine mûrissent pour moi leur douceur

O mon verger parfumé

Et je te dresse ô Madeleine ô ma beauté sur le monde

Comme la torche de toute lumière

TRISTESSE D UNE ETOILE

Une belle Minerve est l’enfant de ma tête
Une étoile de sang me couronne à jamais
La raison est au fond et le ciel est au faîte
Du chef où dès longtemps Déesse tu t’armais

C’est pourquoi de mes maux ce n’était pas le pire
Ce trou presque mortel et qui s’est étoilé
Mais le secret malheur qui nourrit mon délire
Est bien plus grand qu’aucune âme ait jamais celé

Et je porte avec moi cette ardente souffrance
Comme le ver luisant tient son corps enflammé
Comme au coeur du soldat il palpite la France
Et comme au coeur du lys le pollen parfumé

LA JOLIE ROUSSE

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Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l'Artillerie et l'Infanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte
Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul
pourrait des deux savoir
Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention
De l'Ordre de l'Aventure
Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons nous donner de vastes et d'étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité

Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
Voici que vient l'été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c'est le temps de la raison ardente
Et j'attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu'elle prend afin que je l'aime seulement
Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant
Elle a l'aspect charmant
D'une adorable rousse
Ses cheveux sont d'or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent
Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d'ici
Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi

NUITS RHENANES

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

MAI

Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains

Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières

Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment

Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

 

 

                                                                                   

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