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Evènements remarquables

NE PLEURE PAS MARIE.

- Un âne, un bœuf et Vous Marie.

L’étable est sombre,

L’enfant sourit.

Une étoile, là-haut, bénit

Le lait de vos petits seins blancs.

-Ne pleurez pas, Marie.

- Ne pleurez pas,

-Votre fils est celui d’un Roi !

- Il n’a ni terre, ni couronne…

- Pas de frontière à son royaume !

- Ne pleure pas Marie,

- L’ange est venu, il a souri…

- Et toi, fille-fleur, dans l’instant

- Tu as conquis le firmament !

- Tes yeux se sont remplis d’étoiles

- Et ta peau brune s’est fardée

- D’un soupçon de lune égaré.

- Ne pleure plus Marie. Ecoute …

- Que t’importe le temps,

- Les méchants sur sa route,

- Je te parle d’Amour !

- Il est bientôt Minuit,

- Et je n’ai pas de crucifix.

Jacqueline GHIO-GERVAIS

TEXTES DE RENE GUY CADOU

TEXTE N°1

FORGES DU VENT     1938

Que te dirai-je si tu reviens

Derrière ce treillis de visages

Passés les relais de l’amour ?

Je ne sais plus la romance des îles

Que je massacrais le soir

En revenant sous les tonnelles.

Un bruissement de cristal

Aux frontières délicates du repos,

Fait oublier le châtiment le plus juste,

Mais toi, comment pourrai-je t’oublier ?

Un jour il faudra te dire

La blessure de la première aube

Au cœur sonore de mon enfance,

Et tu crois que je me souviendrai ?

TEXTE N°2

CHAMBRE DE LA DOULEUR extrait d’« Hélène ou le règne du végétal »

La porte est bien fermée

Une goutte de sang reste encor sur la clé

Tu n’es plus là mon père

Tu n’es pas revenu de ce côté-ci de la terre

Depuis quatre ans

Et dans la chambre je t’attends

Pour remmailler les filets bleus de la lumière

La première année j’eus bien froid

Bien du mal à porter la croix

Et j’usai mes belles mains blanches

A raboter mes propres planches

Déjà prêt à partir sans toi

Puis ce fut le printemps la pâque

Je te trouvai au fond de chaque

Sillon dans chaque grain de blé

Et dans la fleur ouverte aux flaques

Impitoyables de l’été

Jamais plus les oiseaux n’entreront dans la chambre

Ni le feu

Ni l’épaule admirable du soir

Et l’amour sera fait d’autres mains

D’autres lampes

O mon père

Afin que nous puissions nous voir.

Texte n°3

LA SOLITUDE extrait de : RETOUR DE FLAMME

Bel arbre noir dans cette chambre

Je te pare de tous mes soucis

Derrière moi

C’est le bruit d’ailes des portes

Qui se referment

Tout ce qui tombe

De l’autre côté des épaules

Tout ce qui plane

Plus haut que la nuit

N’atteint pas mon visage

Je cherche un homme en moi

A qui parler.

Texte n°4

TROP LOIN   extrait de Morte saison 1940

Tout se passe en silence

Le ciel est rétabli

Le soleil se balance

On vit sans rien de plus dans la douceur du sang

Où es-tu maintenant

Les jours se suivent se ressemblent

Les mains fragiles se rassemblent

Et la lumière est dure

L’homme a perdu son ombre au fond de la verdure

J’écoute

C’est bien moi

Je suis seul sur la route

Mon passé sur le dos

Dans ma gorge enflammée un bouquet de sanglots

TEXTE N°5

PLEINE POITRINE 1946

LES FUSILLES DE CHATEAUBRIANT

Ils sont appuyés contre le ciel

Ils sont trente appuyés contre le ciel

Avec toute la vie derrière eux

Ils sont plein d’étonnement pour leur épaule

Qui est un monument d’amour.

Ils n’ont pas de recommandations à se faire

Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus

L’un d’eux pense à un petit village

Où il allait à l’école

Un autre est assis à sa table

Et ses amis tiennent ses mains.

Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent

Ils sont bien au-delà de ces hommes qui les regardent mourir

Il y a entre eux une différence du martyre

Parce que le vent est passé là où ils chantent

Et leur seul regret est que ceux

Qui vont les tuer n’entendent pas

Le bruit énorme des paroles

Ils sont exacts au rendez-vous

Ils sont même en avance sur les autres

Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres

Et que tout est simple

Et que la mort surtout est une chose simple

Puisque toute liberté se survit.

TEXTE N°6

Texte n° 7

Extrait de PLEINE POITRINE

LE 12 AOUT AU MATIN

Je pense à toi qui dors sagement sous la neige

Comme une obscure graine oubliée des saisons

A toi aussi derrière les fils barbelés

Qui sont la couronne d’épines de la terre

Je pense encore à ma maison où s’engouffraient

Tous les oiseaux du monde et qui n’est plus

Que ce triste bouquet de cendres sur la pierre

Aujourd’hui tous les toits sont comme des lavoirs

Et dans les yeux d’enfants sèchent des linges bleus

Des femmes sont passées à travers les fenêtres

Et flottent dans la rue comme un vol d’oiseaux blancs

Il y a des jardins fleuris de flammes rouges

Des drapeaux de couleur où des étoiles bougent

Un ciel clair et des poitrines au cœur battant

Il y a ces gars blonds venus des hauts villages

Pour le contentement de nous rendre à nous-mêmes.

Parmi eux il y a un grand nègre que j’aime

Parce que ses dents sont l’image de son âme

Il y a tous ces mots qui reprennent un sens

Et que je dis si mal parce qu’ils sont en moi

Comme une liberté nouvelle et végétale.

TEXTE 7

Et toujours extrait de PLEINE POITRINE :

LIBERTE COULEUR DES FEUILLES

Liberté couleur des feuilles

Liberté la belle joue

Jeune fille qui dénoues

Tes cheveux blonds sur le seuil.

Flamme neige épaule nue

Arc-en-ciel de la rosée

Haut visage pavoisé

De cent regards inconnus

Oiseau la plume légère

Seins jaillis odeur de pain

Blanche vague de la main

A tâtons dans la lumière

La plus pauvre du village

La plus belle sous les coups

Toi qui fais chanter les fous

Et qui fais pleurer les sages

Liberté je t’ai nommée

Pour que nous vivions ensemble

Tu me vêts et tu ressembles

Au portrait de mon amie.

TEXTE N° 8

LA SURVIVANTE extrait de Le cœur définitif

Toi

Comme il faudrait toutes les sources

Ma survivante des forêts

Toi dans le ciel avec les ourses

Qui perdent lentement leur lait

Toi que je nomme en ma mémoire

Carpe de lune pour eaux noires

Sais-tu bien que je pleure encor

Quatre murs blancs c’est un décor

Quatre murs blancs sans une image

Du Dieu qui dès l’apprentissage

Fit un chef-d’œuvre de son corps

Mais par bonheur une fenêtre

Grande ouverte sur la vallée

Un facteur va dans les allées

Du ciel en soulevant tes lettres

Lettres ou fleurs je ne sais pas

L’encre est bleue comme les lilas

Abeilles déchiffrez la neige

Colombe emporte ces mots-là

Et toi qui m’écris sur la route

Sur le pupitre des prairies

Aide-moi à terrasser toutes

Les roses noires de ma vie.

TEXTE N°9

Hélène ou le règne végétal. Ecoutons :

LA MAISON D HELENE

Il a suffi du liseron du lierre

Pour que soit la maison d’Hélène sur la terre

Les blés montent pus haut dans la glaise du toit

Un arbre vient brouter les vitres et l’on voit

Des agneaux étendus calmement sur les marches

Comme s’ils attendaient l’ouverture de l’arche

Une lampe éparpille au loin son mimosa

Très tard les grands chemins passent sous la fenêtre

Il y a tant d’amis qu’on ne sait plus où mettre

Le pain frais le soleil et les bouquets de fleurs

Le sang comme un pic-vert frappe longtemps les cœurs

Ramiers faites parler la maison buissonnière

Enneigez ses rameaux froments de la lumière

Que l’amour soit donné aux bêtes qui ont froid

A ceux qui n’ont connu que la douceur des pierres.

Sous la porte d’entrée s’engouffre le bon vent

On entend gazouiller les fleurs du paravent

Le cœur de la forêt qui roule sous la table

Et l’horloge qui bat comme une main d’enfant

Je vivrai parmi les roses du village

Avec les chiens bergers pareils à mon visage

Avec tous les sarments rejetés sur mon front

Et la belle écolière au pied du paysage.

TEXTE N° 10

Je t'attendais...

Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires

Dans les années de sécheresse quand le blé

Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe

Qui écoute apeurée la grande voix du temps

Je t'attendais et tous les quais toutes les routes

Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait

Vers toi que je portais déjà sur mes épaules

Comme une douce pluie qui ne sèche jamais

Tu ne remuais encore que par quelques paupières

Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées

Je ne voyais en toi que cette solitude

Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou

Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie

Ce grand tapage matinal qui m'éveillait

Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays

Ces astres ces millions d'astres qui se levaient

Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres

Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau

Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères

Où nous allions tous deux enlacés par les rues

Tu venais de si loin derrière ton visage

Que je ne savais plus à chaque battement

Si mon cœur durerait jusqu'au temps de toi-même

Où tu serais en moi plus forte que mon sang.

TEXTE N° 11

TOUT AMOUR extrait du recueil portant le même nom.

Ah ! pauvre père ! auras-tu jamais deviné quel amour tu as mis en moi

Et combien j’aime à travers toi toutes les choses de la terre ?

Quel étonnement serait le tien si tu pouvais me voir maintenant

A genoux dans le lit boueux de la journée

Râclant le sol de mes deux mains

Comme les chercheurs de beauté !

-         Seigneur ! Vous moquez-vous ? Serait-ce là mon fils ?

-         Se peut-il qu’il figure à votre palmarès ?

-         O père ! j’ai voulu que ce nom de Cadou

-         Demeure un bruissement d’eau claire sur les cailloux !

-         Plutôt que le plain-chant la fugue musicale

-         Si tout doit s’expliquer par l’accalmie finale

-         Lorsque le monde aura les oreilles couchées.

TEXTE N° 12

Ecoutons   :LE JARDIN DE GRIGNON

Extrait des AMIS D ENFANCE

Pour atteindre le ciel

A travers ce feuillage

Il faut que tous les yeux

Se soient réunis là

Je dis les yeux d’enfants

Pareils à des pervenches

Ou à ces billes bleues

Qui roulent sur la mer

On va dans les allées

Comme au milieu d’un rêve

Tant la grand-mère a mis

De grâce dans les fleurs

Et le chat noir et blanc

Qui veille sur les roses

Songe au petit oiseau

Qui viendrait jusqu’à lui

C’est un jardin de fées

Ouvert sur la mémoire

Avec des papillons

Epinglés sur mon cœur.

TEXTE N° XIII

Ecoutons : LES CIRCONSTANCES DU DRAME

Poème extrait du DIABLE ET SON TRAIN

Je n’ai pas oublié

L’herbe qui tremble ni les russules mouillées

Les cycles démodés dans les soirs de lumière

Le givre sur les croix du petit cimetière

La chambre est haute et noire et la lampe Pigeon

Becquète tristement les graines du plafond

La nuit fait peur aux chiens. Tout au fond des campagnes

On entend comme un corps qui tombe une châtaigne

Et c’est l’éveil les coqs sanglants et les pandores

La guimbarde d’azur dans le même décor

Et l’effroi du matin dans le long corridor

Je me terre à genoux sous des tentures fraîches

Où c’est encor la nuit pluvieuse et me dépêche

De pleurer longuement avant de succomber

A l’appel odorant et trouble du grenier

Ah que faire du temps quand le temps s’accompagne

De toute l’insomnie jaseuse des campagnes

Et que faire de soi quand on n’a pas sept ans

Et que riche au milieu de ce rayonnement

On rêve à des puits d’ombre et des pertes d’argent.

TEXTE N° 14

POURQUOI N’ALLEZ-VOUS PAS A PARIS ?

-         Pourquoi n’allez-vous pas à Paris ?

-         Mais l’odeur des lys ! Mais l’odeur des lys !

-         Les rives de la Seine ont aussi leurs fleuristes

     - Mais pas assez tristes oh ! pas assez tristes !

- Je suis malade du vert des feuilles et des chevaux

- Des servantes bousculées dans les remises du château

-         Mais les rues de Paris ont aussi leurs servantes

-         - Que le diable tente ! que le diable tente !

Mais moi seul dans la grande nuit mouillée

L’odeur des lys et la campagne agenouillée

Cette amère montée du sol qui m’environne

Le désespoir et le bonheur de ne plaire à personne

-         Tu périras d’oubli et dévoré d’orgueil

-         Oui mais l’odeur des lys la liberté des feuilles !