Conférence : "L'arbre en littérature"

Du 12 Mars 2020 14:30 jusqu'au 12 Mars 2020 17:00
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Les textes qui seront lus lors de nos prochaines rencontres : "L'arbre en littérature" sont ci-dessous et au format Word imprimable en cliquant ici.

 

TEXTE n°1 Jules Supervielle

 

LE PREMIER ARBRE extrait du recueil LA FABLE DU MONDE

                           C'était lors de mon premier arbre, J'avais beau le sentir en moi Il me surprit par tant de branches, Il était arbre mille fois. Moi qui suis tout ce que je forme Je ne me savais pas feuillu, Voilà que je donnais de l'ombre Et j'avais des oiseaux dessus. Je cachais ma sève divine Dans ce fût qui montait au ciel Mais j'étais pris par la racine Comme à un piège naturel.C’était lors de mon premier arbre L'homme s'assit sous le feuillageSi tendre d’être si nouveauEtait-ce un chêne ou bien un ormeC’est loin et je ne sais pas tropMais je sais bien qu’il plut à l’hommeQui s’endormit les yeux en joiePour y rêver d’un petit bois. Alors au sortir de son somme D'un coup je fis une forêt De grands arbres nés centenaires Et trois cents cerfs la parcouraient Avec leurs biches déjà mères.Ils croyaient depuis très longtempsL'habiter et la reconnaîtreLes six-cors et leurs bramementsNon loin de faons encore à naître.Ils avaient, à peine jaillis,Plus qu'il ne fallait d'espéranceIls étaient lourds de souvenirs  Qui dans les miens prenaient naissance.D'un coup je fis chênes, sapins,Beaucoup d'écureuils pour les cimes,L'enfant qui cherche son cheminEt le bûcheron qui l'indique,Je cachai de mon mieux le cielPour ses distances malaiséesMais je le redonnai pour tel

Dans les oiseaux et la rosée.

 

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TEXTE N° 2  

LE CHENE ET LE ROSEAU J. de la Fontaine

Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

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TEXTE N° 3     Jean ANOUILH 1910-1987

LE CHENE ET LE ROSEAU


Le chêne un jour dit au roseau :
« N'êtes-vous pas lassé d'écouter cette fable ?
La morale en est détestable ;
Les hommes bien légers de l'apprendre aux marmots.
Plier, plier toujours, n'est-ce pas déjà trop,
Le pli de l'humaine nature ? »
« Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau ;
Le vent qui secoue vos ramures
(Si je puis en juger à niveau de roseau)
Pourrait vous prouver, d'aventure,
Que nous autres, petites gens,
Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents,
Dont la petite vie est le souci constant,
Résistons pourtant mieux aux tempêtes du monde
Que certains orgueilleux qui s'imaginent grands. »
Le vent se lève sur ses mots, l'orage gronde.
Et le souffle profond qui dévaste les bois,
Tout comme la première fois,
Jette le chêne fier qui le narguait par terre.
« Hé bien, dit le roseau, le cyclone passé -

Il se tenait courbé par un reste de vent -
Qu'en dites-vous donc mon compère ?
(Il ne se fût jamais permis ce mot avant)
Ce que j'avais prédit n'est-il pas arrivé ? »
On sentait dans sa voix sa haine
Satisfaite. Son morne regard allumé.
Le géant, qui souffrait, blessé,
De mille morts, de mille peines,
Eut un sourire triste et beau ;
Et, avant de mourir, regardant le roseau,
Lui dit : « Je suis encore un chêne. »

TEXTE N° 4     Victor HUGO     Les Contemplations

     AUX ARBRES

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le cœur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! -
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des antres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,

Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.

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Texte n° 5       Sabine SICAUD (1913-1928)

LE CHEMIN DE L ORMEAU

J’ai rencontré l’ormeau

Pas un ormeau célèbre,

Mais un ormeau sans ex-voto,

Tournant le dos à la route des hommes.

Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme,

Quelqu’un l’a-t-il jamais serrée entre ses bras ?

Nous l’avions mesurée avec un fil de soie

La colonne de bois qui ne s’arrête pas

De grossir en silence.

Mais grossir – qui jamais voit grossir un ormeau ?

Tant de jours et de nuits, tant de soleil et d’eau,

De pais, d’oubli, de chance…tant et tant !

Entre les émondeurs, les chenilles, l’autan,

J’ai rencontré la Patience.

TEXTE N° 6     LE TAMARIS

Tout l’hiver, le laurier t’a bravé. Tout l’hiver,

Les deux ifs, s’éventant de leurs franges épaisses,

T‘ont dit : »N’aimes-tu pas cette fraîcheur de l’air ? »

Et le cèdre était vert, le cyprès était vert,

Et les bambous avaient des gestes d’allégresse,

Et le palmier jouait à l’oasis…

Et le lierre en habit vert bouteille, et la mousse

En laine vert grenouille, et l’herbe vert maïs,

Te narguaient, en couvrant le sol brun d’une housse,

Où le givre cousait des boutons de cristal…

Et le magnolia de faïence vernie,

Le fusain compassé, le yucca de métal,

Regardaient avec ironie

Tes rameaux grelottants…Le buis même, le buis

Des bons vieux jardinets de presbytère,

Semblait fat et repu sur un morceau de terre

Large comme la main et l’ « artichaut des puits »

Encadrait le bassin de roses agressives…

Et tous disaient : »Voyez, grâce à nos feuilles vives,

Ce n’est jamais l’hiver, jamais l’hiver ! »

Et devant toi, si découvert,

Si nu, si maigre, avec de petits doigts si frêles,

Je m’arrêtais, ne sachant plus…

Mon arbrisseau léger, dont le front chevelu

Frisé par la brise de mer aux tièdes ailes,

Prenait là-bas, dans le soleil, un vert si doux,

Un vert qui se teintait de rose à tous les bouts

Dès que le temps des fleurs ouvrait sa boite à poudre

Et son étui de rouge parfumé

Faudrait-il se résoudre

A ne plus voir ton fin visage ranimé ?

Ah ! qu’ils m’importent peu, les autres, les tenaces,

Les toujours verts, si tu dois rester nu !

Comprendront-ils jamais ce qu’il y a de grâce,

De charme délicat dans tes bourgeons menus

Lorsque tu ressuscites,

Mon tamaris, pour qui l’hiver est bien l’hiver…

D’avoir tremblé pour toi, comme on se penche vite

sur ce premier duvet imperceptible hier,

Et comme on t’aime pour ce vert, ce tendre vert

Si miraculeusement neuf, d’après l’hiver…

                              

TEXTE N° 7   LES PELERINS DE LA DUNE

Les pins…Les pins aux verts cheveux,

Aux sandales d’or et de cuivre,

Un par un, deux par deux,

Droit devant eux,

S’en vont, comme ivres…

Ivres de soleil et de vent,

Les bras tendus, penchés souvent

Tant le vent du large les pousse,

Tant le soleil mord jusqu’au sang

La dune rousse

Les pins s’en vont, chargés d’encens,

D’or et de myrthe, vers là-bas,

Vers des pays qu’on ne sait pas, tendant les bras…

Les pins s’en vont dans un bruit d’ailes,

Un bruit de pas, un bruit de voix surnaturelles.

Je les entends, je les entends…à pas légers,

La forêt suit, comme un troupeau suit le berger.

A voix basse, bouche fermée,

Comme les chanteurs de l’Ukraine,

L’Océan dit ses peines.

La dernière houle calmée

Froisse et défroisse des étoffes qu’elle traîne…

Et le vent jour à l’imiter, dans les remous

Des pins en marche.

Ô patriarches,

Verts pèlerins des sables roux,

Pèlerins vers je ne sais où,

C’est bien vous qui marchez, c’est vous

Qui faites, sous mes orteils nus, frémir la dune…

Le soir tombe… Et peut-être ici

a-t-on rêvé, mouillés de lune,

de soirs mauves, gris pâle aussi,

et diaphanes…

de vos soirs, Puvis de Chavannes…

Moi, j’ai vu des pins, un par un,

Devenir bleus, devenir bruns,

Je les ai vus, fouettés d’embruns,

Disloqués par le vent sauvage.

Et conduisant toujours, toujours,

Le même long pèlerinage…

Hallucinés, aveugles, sourds,

Je les ai vus en Don Quichotte,

Je les ai vus en Juif-errant,

Chauves, bossu, manchots, branlants,

Ombres chinoises de la côte…

Et derrière, j’ai vu, pressés

Comme les moutons de la fable,

D’autres pins, tous les pins blessés,

Cramponnés aux pentes de sable…

Dans les pots d’argiles, saignait

Leur sève épaisse, goutte à goutte…

Les premiers pins suivaient leur route.

Moi seule les accompagnais…

Vers quelle Espagne de miracles ?

Vers quelles sierras, quels châteaux,

Quels tabernacles ?

Non, ne me dites pas tout haut

L’histoire des pins sur la dune,

L’histoire vraie en quatre mots…

Puisque je vois, au clair de lune,

Au clair du soleil, verte ou brune,

Marcher la forêt devant moi…

Puisque c’est vrai, lorsque j’y crois…

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TEXTE N° 8   DE TEMPS EN TEMPS

Extrait du recueil « Reflets dans un jardin." de M.L. Bergassoli

De temps en temps, je lui dis : »Ne meurs pas,

Ne t’en va pas. Dis, reste !

Je le prends dans mes bras,

Doucement je le berce, avec des gestes

Venus de la lointaine enfance,

Avec des chants, venus d’une invisible nuit ;

Et Lui,

S’endort encore un peu dans sa quiétude chaude…

De temps en temps, je lui parle tout bas

De ces jours très anciens, où l’on tondait la laine

A l’ombre de ses bras.

Je lui fais un printemps, et j‘efface ses rides,

Et je lui dis l’amour qui baigne la Maison

Alors qu’elle se vide…

De temps en temps, je lui dis les oiseaux

Qui bruissent dans ma tête ;

Et les Soleils, tous les Soleils

Qui sont passés, ceux qui restent à naître…

C’est vrai, je sais

De temps en temps, c’est mon enfance qui s’évade,

Qui meurt, avec son cœur malade,

Alors je mens,

Mais je lui dis que je suis là

Et que, je ne suis pas encor bien grande,

De temps en temps,

Toujours, pour qu’il s’accroche à moi.

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TEXTE N° 9   L’AMANDIER

extrait du recueil : « Un autre regard » de M.L. BERGASSOLI

Il est sorti

Nu sur la terre aride,

Ayant pour compagnon

Quelques cailloux de Crau,

Et ce coin de jardin à la terre trop rude,

Sur le bord d’un chemin qu’ignorent les ruisseaux…

Où cherchait-il cette force de vivre, lui

Ne recevant qu’un don maigre du ciel ;

Peu d’eau à peine quelques gouttes,

Un soleil dur, un gel ardent

Et le souffle violent

Du vent.

Il a tenu pourtant,

Tordant le noir de son écorce,

Tendant ses maigres doigts

Sur ces lambeaux de ciel qui lui disaient

Patience !

Il a tenu,

Et l’on a vu soudain,

Comme un cri de douceur réclamant le Printemps

Cette éclosion qui vient

Alors que tout sommeille encore,

Cette tendresse rose

Qui odore de miel tout l’air environnant,

Et qui neige, légère et fragile à la fois

Au sol encor sevré de sa mémoire verte,

Cette douceur de lait

Que l’on retrouvera à la St Jean d’été

Dans une coque ouverte…

Cette douceur, bel Amandier, et cette force

Bel arbre au cœur d’aurore,

Trésor offert,

Longtemps couvé

Sous les douleurs de sa rugueuse écorce.

Texte n° 10 CYPRES M.L. Bergassoli extrait d’Un autre regard

Sombres et beaux, vous méditez songeurs et impassibles.

Vous méditez poursuivant une quête invisible

Et vos longs corps tendus transportant

Tout un monde inconnu recelant les échos

Des temps anciens qui vous ont fait escorte.

Vous méditez solitaires, éclairant la campagne où serrés, remparts de nos jardins..

Vigies dressées comme de hautes flammes

Quel secret vous empreint ?

Le soleil vous revêt de ses plus noirs reflets

Et la nuit vous absorbe.

A peine courbez-vous la tête avec noblesse pour saluer le vent. Restant celui que ni le froid, ni la chaleur ne blesse…

Vous méditez gardiens des rites funéraires

Eclairant le parcours initial et secret

De l’’âme qui s’en va retrouver sa Lumière

Vous contemplez le ciel et vous tendez sans défaillir vers l’Eternel.

Et nous humblement périssables poussière et météore

Nous vous avons mis près du seuil de nos portes

Dressés là, comme un appel

                               :- :- :- :- :-

   TEXTE N° 11       François Mauriac 1885-1970.

     « [...] alors comme aujourd'hui, j'écoutais le vent dans les pins, mais je ne le sentais pas sur mon visage. Le vent d'équinoxe, arrêté par l'immense forêt odorante et chaude, ne se décèle qu'au glissement des nuages, qu'au balancement des cimes, à ce bruit de mer qu'elles font dans le ciel.
     Bruit de mer ? Telle est la comparaison accoutumée. mais le vent dans les pins gémit moins sauvagement que l'Atlantique ; il ne pousse pas ce cri d'un monstre aveugle et sourd ; c'est une plainte éolienne, une plainte humaine ; elle entre en moi qui suis immobile au milieu des arbres sans nombre; et mon être profond collabore à ce gémissement indéfini, comme si je n'étais qu'un pin entre mille autres et que le souffle envahit. Plus que par le bruit du vent, peut-être, le souvenir de la mer est-il ici éveillé par le balancement des cimes - mâts géants d'une immense flotte ensablée. »

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Texte n° 12 de LE TREMBLE extrait du recueil

L ARBRE A SILEX de Jean Bensimon

Troué de pluie

Lacéré par les vents d’automne

Il veille debout dans la nuit

Le souffle érodé par l’arête du cri

A l’aine de la branche maîtresse

Il entend le tremblement de ses feuilles pâles

Jusqu’à la spirale du signe

Au cœur de la demeure frêle

Et pris de doute

Sent son nom se dissoudre entre les branches.

Homme qui avez la peur en partage

Et dont le tourment effeuille les nuits

Prenez l’avis du tremble.

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TEXTE N° 13       LE DIT DE L’ AMANDIER

Extrait du recueil L’ARBRE A SILEX Jean Bensimon

Pour me faire expier la faute, on m’arracha du verger natal, au plain-chant du ciel et je fus transplanté bien loin dans une sombre plaine. Cerné de frimas et de désolation, je n’interroge plus les puissances maléfiques ni la violente mesure, et écoute l’air crier à l’effacée une algèbre inconnue, tandis que ma respiration monte en vapeur. J’écoute aussi le ressac de la mémoire – soleils en fuite – et mes maigres feuilles frissonnant au bout de mes branches qui longent des vertiges. Tout en cardant la nuit où crissent les heures d’exil, j’attends. Je ne suis qu’attente de ce jour d’avril où, à l’aisselle de ma branche la moins frileuse, une fleur chétive éclôt, bientôt suivie de quelques autres qui, avant que ne les emporte le vent, narguent de leurs pétales blancs, une épée nue…

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Texte n° 14 LE SAULE de Jean Bensimon

extrait de l’Arbre à silex

Le crépuscule tombe lentement sur la rivière et le saule pleureur qui tient en laisse les brouillards, le saule aux feuilles couleur de lune, aux branches tombantes dissimulant presque entièrement le tronc et l’ombre bruissante de chuchotis. Dès la nuit, l’arbre lunaire est jeune sorcière aux longs cheveux attisant la rosée et la pluie d’été chargée de présages. Si tu te glisses alors dans son orbe, tu seras enlacé par la litanie, porté jusqu’à la chambre d’outre-mémoire baignée de vert où un visage se recompose…

Ses branches retombent à terre, ses feuilles en forme de larmes ont fait croire que le saule est mélancolique. Mais non, il est tout joie, à preuve le rire léger de la jeune fille, tandis que le vent file entre ses doigts et que l’osier tresse l’espérance ronde…

Homme du seuil, tu n’as pas brûlé toutes sèves, écoute plutôt le saule.

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TEXTE N° 15 de Pierre MENANTEAU 1895-1992                                                      

L’ORME EN ETE

Je suis, dit l’orme, tout grillé.

Je flambe au centre de l’été

Dans la plénitude éclatante

Et l’éclat du chant qui m’enchante

Saute du sous-sol jusqu’au toit.

Je sens l’épaisseur de ce mois

Se joindre au cercle de l’année.

La nuit répare la journée.

Les filles des champs ont ainsi

Sur leur visage le souci

De quelques rousseurs éphémères.

Soyez tranquilles les bergères,

Et veillez plutôt sur ce cœur

Que pourrait brûler votre ardeur !

L’arbre que je suis est à l’âge

Où l’on fait la part du feuillage

Pour l’exigence du soleil.

Mes amarres, à leur réveil,

S’enracineront dans la terre.

J’ai déjà des fils. Ô lumière,

Soulève-les plus haut que moi,

Arrondis plus vaste le toit

Où suffoquent les tourterelles

Tandis qu’en bas, sous les javelles,

S’accordent les grillons du soir !

Oui, survis-toi, mon bel espoir

Qui répands dans la canicule,

La promesse longue des jours,

L’accomplissement des amours.

                                  

Bonne lecture…..